Le Préhistomuseum, musée de société
///Le journal du Préhistomuseum

Le Préhistomuseum, musée de société

Le Préhistomuseum, musée de société

Le Préhistomuseum et la transition

Par Fernand Collin, préhistorien, directeur du Préhistomuseum

Pourquoi le Préhistomuseum cherche-t-il à devenir un musée de la transition ?

Quand nos enfants marchent dans les rues pour sauver notre planète que faisons-nous (le musée) pendant ce temps ? Interpellé par cette question, le Préhistomuseum met progressivement en œuvre une série d’action pour devenir concrètement parties prenantes de la transition.

Du musée du devoir (devoir d’acquérir, de conserver, d’étudier et de diffuser ses collections), le musée deviendrait un musée de la transition : c’est-à-dire, un musée qui, avec ses collections et ses connaissances, tente d’agir pour gérer la complexité, relier les connaissances et relier les individus pour participer à la recherche d’un avenir pour notre planète et donc de notre humanité. 

Alignée sur sa raison d’être, « Le Préhistomuseum existe pour permettre à chacun.e de vivre l’expérience de notre humanité par la rencontre avec la Préhistoire et l’Archéologie », l’équipe du musée est convaincue que le Préhistomuseum peut (doit) devenir aussi un acteur utile du développement durable. 

Pour gérer la complexité

Notre société occidentale n’est-elle pas asphyxiée progressivement par une pensée unique (simpliste) qui résulte des inexorables tensions causées par nos certitudes et nos doutes, par nos croyances et nos vérités scientifiques ? La Préhistoire est une discipline scientifique extraordinaire pour expérimenter chaque jour avec nos visiteurs la pensée complexe.

Aussi notre service éducatif développe quotidiennement des animations qui veillent à donner à voir et à comprendre la systémique des faits archéologique et la complexité du comportement humain. Notre laboratoire de médiation travaille sur une approche universelle de l’humanité en mettant en évidence la diversité de ses expressions culturelles dans le temps et dans l’espace. Il a mis au point « la théorie des 5M », une pédagogie de la complexité du comportement humain qui soutient toutes les animations et exposition du musée. Les visiteurs sont informés de ce « parti pris du musée » dans une salle d’exposition permanente « Le making of du musée » :

« Actuellement, le Préhistomuseum propose une approche universelle du comportement humain en postulant que, à tout Moment, dans un Milieu donné, quelque part dans le Monde, nos actes sont déterminés par notre Métaphysique, nos Mots, nos Modèles, nos Manières, nos Matières et que nous sommes une seule et même humanité aux Multiples expressions.

Toute production humaine porte en elle la complexité du comportement humain.

À un moment donné (par exemple il y a 40 000 ans), dans un milieu donné (par exemple à Huccorgne, en province de Liège), pour produire un biface, l’artisan a été, de manière consciente ou inconsciente, conditionné par des contraintes matérielles (la matière, le modèle, la manière) et immatérielles (la métaphysique, les mots).

- La Matière : les matériaux disponibles et choisis qui conviennent au projet de production. 

- Le Modèle : la référence reconnue comme telle qui est reproduite par la société.

- La Manière : la mémoire et l’enchaînement des gestes et des expériences qui permettent de reproduire les Modèles. 

- La Métaphysique : le sacré, les mythes, les religions, les tabous… autorisent ou non certaines productions.

- Les Mots : ils organisent la mémoire, sa transmission et expriment nos intentions et nos actions. »


Pour relier les individus 

Notre société occidentale ne souffre t’elle pas progressivement de solitudes et d’individualismes agrégés artificiellement par des réseaux sociaux où circulent librement dépenser unique ?

A contrario le musée est un espace réel ou le visiteur peut expérimenter des objets authentiques du passé. C’est donc un espace idéal pour retisser du lien social. C’est un projet qu’entreprend notre Centre de Conservation, d’Etudes et de Documentation en utilisant ses collections pour créer progressivement une communauté patrimoniale (En 2005, la convention de Faro sur la valeur du patrimoine culturel pour la société encourageait déjà ce type d’initiative).

Au CCED, chaque semaine, des citoyens curieux, des archéologues amateurs (de l’association « les chercheurs de la Wallonie » à la base de la création du musée), des étudiants (en archéologie, conservation, muséologie,…), des professionnels (du Préhistomuseum, de l’Agence wallonne du patrimoine, d’autres musées) se réunissent pour prendre une part active dans la chaîne de service d’accueil d’une collection provenant des fouilles d’archéologie préventive du site de Bierset situé sous l’emprise de l’aéroport de Liège tout proche du musée. Ce projet, source d’épanouissement personnel et professionnel, donne lieu à des rencontres humaines improbables, qui petit à petit tissent une véritable communauté. Une dynamique analogue anime le Centre d’Etudes des Techniques et de Recherche Expérimentale en Préhistoire (créé par le musée et les archéologues amateurs « les Chercheurs de la Wallonie » il y a plusieurs années) depuis plus longtemps. On assiste actuellement à une unification des diverses « cellules sociales » hébergées par le musée, à des rapprochements et décloisonnements stimulants ainsi qu’à l’émergence d’une nouvelle « culture d’entreprise patrimoniale ».


Pour essayer d’entreprendre le musée autrement

Notre société occidentale s’interroge sur son modèle économique dominant et explore progressivement des modèles alternatifs qu’elle espère plus durable pour l’avenir de la planète et de l’humanité. À son échelle, dans son écosystème particulier, le Préhistomuseum expérimente également un nouveau modèle économique qui se met au service de l’humain et de la nature, qui s’appuie sur des ressources immatérielles (potentiellement infinies) plutôt que sur des ressources matérielles limitées. Créer, délivré et capturer de la valeur, tout en intégrant les enjeux sociaux et environnementaux, en prenant en compte les attentes de ses parties prenantes (en particulier celle de ses usagers) c’est l’enjeu de l’Economie de la Fonctionnalité est de la Coopération entrepris par le musée. 

Dans cet esprit, le Préhistomuseum cherche également de nouvelles voies d’organisation interne en privilégiant des mécanismes de coopération et d’intelligence collective pour rendre le musée « agile » pour qu’il puisse s’adapter à notre société en constante mutation. Le Préhistomuseum devient petit à petit une « entreprise libérée ».

Si les enfants qui marchent dans les rues pour sauver la planète viennent un jour au Prehistomuseum, le souhait de son équipe est qu’ils puissent trouver un musée utile à leurs préoccupations et un musée cohérent (qui cherche à faire modestement, mais avec ambition, ce qu’il dit).

 
Pour philosopher

Notre société occidentale prend actuellement conscience de l’imminence et de l’importance des changements nécessaires à entreprendre pour sauver la planète. Paradoxalement les périodes les plus anciennes de l’histoire de l’humanité peuvent être les plus inspirantes pour nos débats contemporains. Ainsi la Préhistoire (qui nous est étrangère parceque éloignée de nous dans le temps et dans l’espace) est propice à des débats d’idées sereins très utiles à nos questionnements existentiels. Les disparitions, les apparitions, les changements, les universaux, les inventions, les diffusions, les particularités, les migrations, …, sont autant de « principes actifs » de l’humanité d’hier et d’aujourd’hui. Ils peuvent susciter des réflexions philosophiques. Dans la salle de conclusion de l’exposition permanente « La Préhistoire en perspective », une petite tête humaine du néolithique ancien anime une question philosophique : 

« La Préhistoire ne nous offre-t-elle pas des points de vue sur l’humanité… qui nuancent nos à priori sur les « autres » dans le temps et dans l’espace… Elle convoque notre citoyenneté… et nous permet de nous poser la question du Bonheur.

 
Citoyenneté…

La Préhistoire ne nous permet-elle pas de prendre conscience que nous faisons tous partie du processus universel de l’humanité et que nous en sommes les acteurs ?

 
Points de vue…

Pourquoi s’interroger sur nos différences plutôt que sur nos points communs pour appréhender les « autres » dans le temps et l’espace ?

 
Nuances…

Quel sens donnons-nous désormais aux mots évolution, progrès, civilisation, quand la Préhistoire nous démontre que nous sommes une seule et même humanité aux multiples expressions ?

 
Bonheur…

Quels sont les critères qui nous permettent de porter un jugement de valeur sur la vie des hommes préhistoriques, sinon les nôtres ? »

 

#cat_prehistomuseum 

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Le crâne d’enfant de la grotte de Ramioul (Flémalle)

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