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///Le journal du Préhistomuseum

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Une pointe moustérienne découverte à la grotte Schmerling

Cette pointe, découverte dans la grotte Schmerling aux Awirs, est entrée dans les collections des Chercheurs de la Wallonie en 1966. Elle nous raconte une histoire sur la Préhistoire, mais aussi sur l’histoire de la Préhistoire. 

Un peu de typologie et de technologie...

Pour comprendre ce qu’est une « pointe moustérienne sur pointe Levallois » comme nous l’avons écrit dans notre fiche d’inventaire, il faut d’abord savoir ce qu’est une « pointe moustérienne » et une « pointe Levallois ».

Les spécialistes des productions humaines en pierre de la Préhistoire – les lithiciens – utilisent une typologie pour classer les outils selon leur forme. Les pointes moustériennes sont un type d’outils qu’on retrouve sur les sites du Paléolithique moyen, entre -300 000 et -40 000 ans, et qui ont été taillées par les Hommes de Néandertal. Ce sont tout simplement des éclats auxquels ils ont donné une forme de pointe par une série de retouches sur leurs bords, les retouches étant de petits enlèvements visant à donner une morphologie particulière ou à aménager un bord d’outil en vue d’un certain usage (racler, gratter, couper...). 

Les pointes Levallois, quant à elles, désignent un type d’éclat triangulaire (en forme de pointe, donc !) obtenu directement, en une seule frappe, suite à la préparation préalable d’un bloc de pierre – le nucléus – selon une technique dite « Levallois », elle aussi caractéristique du Paléolithique moyen.

La pointe Levallois, c’est le produit de débitage « brut » ; la pointe moustérienne, c’est une pointe obtenue par des retouches. Dans ce cas-ci, les retouches ont été faites sur une pointe Levallois, ce qui en fait, dans notre inventaire, une « pointe moustérienne sur pointe Levallois ».

Mais à quoi ça sert, toutes ces classifications ? Simplement à comparer les différentes formes d’outils et techniques de taille qu’on retrouve aux différentes époques de la Préhistoire, pour comprendre ce qui caractérise la culture des populations qui se sont succédées. Cet objet-ci, en l’occurrence, est typique des productions de l’Homme de Néandertal que l’on retrouve dans les grottes mosanes aux alentours de -40 000 ans.

Et surtout, à quoi ça sert, une pointe ? Étaient-elles emmanchées sur des projectiles pour la chasse, comme nous le supposons pour celle-ci ? Ont-elles plutôt servi à couper ou à racler des peaux ou du bois ? Pour le savoir nous avons besoin de la tracéologie, mais ça c’est encore une autre histoire...

D’où vient cette pointe ?

Dans le carnet d’inventaire papier des Chercheurs de la Wallonie, cette pièce, enregistrée au n° 8798, est décrite comme une « très belle pointe moustérienne trouvée sous une grosse pierre dans la grotte Schmerling ». Elle a été découverte par un certain monsieur Lemmens en mai 1966.

La « grotte Schmerling » est située dans le vallon des Awirs, sur la commune de Flémalle, à proximité d’Engis. Elle fait partie d’un ensemble de plusieurs grottes (ou abris) souvent dénommées les « grottes d’Engis ». La « grotte Schmerling », appelée aussi « Trou Caheur », est la plus importante et la plus célèbre suite à la découverte de deux crânes humains par Philippe-Charles Schmerling, en 1829, dont l’un d’entre eux sera reconnu plus tard comme un Néandertalien, faisant du crâne de « l’enfant d’Engis » le tout premier reste humain néandertalien découvert au monde. 

Les grottes des Awirs ont fait l’objet de nombreuses fouilles : Édouard Dupont, Philippe-Charles Schmerling, Julien Fraipont, Ernest Doudou et bien sûr les Chercheurs de la Wallonie, qui s’y sont intéressés pendant plus de 50 ans.

La grotte Schmerling fait partie des 8 sites belges ayant livré des restes humains néandertaliens. Avec Spy, Goyet et Scladina, elle est inscrite sur la liste indicative pour une reconnaissance au patrimoine mondial de l’UNESCO.

À découvrir dans notre exposition temporaire « Sapiens got Talent » 

Cette pièce est présentée dans l’exposition « Sapiens got Talent » pour illustrer l’une des grandes inventions de la Préhistoire – la chasse – et l’un des grands talents de l’humanité que ces inventions mettent en lumière – le talent de la coopération. 

Fiche d'inventaire

Site « Grotte Schmerling », vallon des Awirs, Flémalle
Description

pointe moustérienne sur pointe Levallois

Matière silex
Dimensions 8,5 x 5 x 0,5 cm
Datation Paléolithique moyen (entre -300 000 et -40 000 ans)
N° inventaire CW-8798 ; MPW-IT-621
Propriétaire Chercheurs de la Wallonie
Emplacement CCED, Réserve Collections

Liens pour en savoir plus :

Collectif, 2018. Philippe-Charles Schmerling. Un liégeois pionnier de la Préhistoire, Flémalle, Préhistomuseum, 34 p.

Destexhe-Jamotte J., 1957. La grotte Schmerling à Engis (province de Liège). Bulletin de la Société royale belge d'Études géologiques et archéologiques, « Les Chercheurs de la Wallonie », XVI : 105-127.

Fraipont J., 1931. Le centenaire de Schmerling. Bulletin de la Société royale belge d'Études géologiques et archéologiques, « Les Chercheurs de la Wallonie », X : 11-24.

Knapen-Lescrenier A.-M., 1966. Répertoire bibliographique des trouvailles archéologiques de la province de Liège. Les Âges de la Pierre, Bruxelles (Centre national de Recherches archéologiques en Belgique. Répertoires archéologiques, série A : répertoires bibliographiques, VII), 302 p.

Schmerling Ph.-Ch., 1833-1834. Recherches sur les ossemens fossiles découverts dans les cavernes de la province de Liége. Liège, P. J. Collardin, 2 vol., in 4°, 167 et 195 p., 34 et 40 pl. 

Toussaint M., 2018. Philippe-Charles Schmerling (1790-1836), à l’aube de la paléoanthropologie et de la préhistoire en Wallonie, Flémalle, Préhistomuseum, 128 p.

Vandebosch A., 1939. Les grottes d’Engis. Bulletin de la Société royale belge d'Études géologiques et archéologiques, « Les Chercheurs de la Wallonie », XIII : 121-125.

Vandebosch A., 1952, La grotte Schmerling à Engis, Bulletin de la Société royale belge d'Études géologiques et archéologiques, « Les Chercheurs de la Wallonie », XV : 558-563. 

Ces références sont disponibles à l’Unité de documentation du Préhistomuseum, et certaines sont en vente à la boutique du musée.

Lien vers la fiche d’inventaire de cet objet :

https://collections.viewallonne.be/#/query/4c80d194-36da-4f46-98aa-bde71fdff9bb

Exposition temporaire « Sapiens got Talent » :

https://prehisto.museum/sapiens-got-talent-exposition/

Photos et crédits :

© Préhistomuseum

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Le crâne d’enfant de la grotte de Ramioul (Flémalle)

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